La semelle rouge des escarpins Louboutin, devenue un véritable symbole de luxe, fait l’objet d’une protection juridique renforcée, à laquelle nous avions consacré un article au mois de septembre dernier.
Dans cet article, nous évoquions notamment un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), rendu le 12 juin 2018 dans le cadre de l’affaire ayant opposé Christian Louboutin et sa société à la société néerlandaise Van Haren.
Le 18 septembre 2024, soit moins d’une semaine après notre première publication, la Cour d’appel de Paris rendait un arrêt renforçant, encore un peu plus, la protection des fameuses semelles rouges…
Retour et mise à jour sur ces dernières avancées.
La France a un incroyable talon
Tout a commencé par un litige entre Christian Louboutin, sa société, et la société néerlandaise Van Haren, qui vendait des chaussures à talons… également ornées d’une semelle rouge.
Or, Louboutin avait déposé cette caractéristique comme marque au Benelux, précisant qu’il ne revendiquait pas la forme de la chaussure, mais bien la couleur rouge appliquée sur toute sa semelle.
Van Haren devait dès lors contester la validité du titre invoqué, arguant que le signe déposé était exclusivement constitué par la forme donnant une valeur substantielle au produit, ce qu’une directive européenne (2008/95/CE) interdit de protéger.
La CJUE a finalement tranché, dans son arrêt du 12 juin 2018 (C-163/16) : la semelle rouge enregistrée ne constitue pas une forme, et elle peut être protégée en tant que marque de position, c’est-à-dire un signe distinctif apposé à un emplacement spécifique d’un produit et permettant d’en identifier l’origine.
Louboutin : pas les deux pieds dans le même sabot
Forte de cette précédente décision et déterminée à protéger sa marque, Louboutin a de nouveau agi, cette fois-ci contre une semelle partiellement rouge seulement, dans une affaire jugée le 18 septembre 2024 par la Cour d’appel de Paris.
La société poursuivie affirmait que sa variante de semelle était exclusive de tout risque de confusion avec les escarpins de Louboutin, dont la semelle est quant à elle entièrement recouverte de la couleur emblématique.
La Cour d’appel de Paris n’a pas été convaincue par cette défense et a jugé que, même partielle, l’utilisation du rouge sur la semelle évoquait Louboutin dans l’esprit du consommateur et était donc constitutive de contrefaçon.
Deux arguments ont été décisifs :
- L’impression d’ensemble laissée au public par cette caractéristique, qui l’associe spontanément à Louboutin ;
- La forte notoriété de la semelle rouge sur le marché (marque de renommée), offrant à cette dernière une protection élargie, même contre des imitations non identiques.
Renforçant encore une fois la protection acquise par Louboutin sur ce signe distinctif et caractéristique de ses produits, l’arrêt de la Cour d’appel de Paris confirme que la protection des marques dites « de position » ne se limite pas aux copies parfaites. Elle prend aussi en compte la notoriété de la marque et l’association mentale faite par le public.
Ces décisions illustrent bien les possibilités offertes par le droit des marques aux créateurs, et l’intérêt de déposer à titre de marque les éléments distinctifs ou caractéristiques de leurs produits et créations.