Le défaut d’assurance décennale : un motif de résiliation du marché aux torts exclusifs du constructeur

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–> Retour sur l’arrêt rendu le 30 avril 2025 par la Troisième Chambre de la Cour de cassation (n°23-21.574)

I. L’obligation d’assurance décennale du constructeur : un impératif légal

 

Dans le domaine de la construction, la souscription d’une assurance de responsabilité décennale n’est pas une option : c’est une obligation légale stricte pesant sur tous les constructeurs d’ouvrage.

Aux termes de l’article L. 241-1 du Code des assurances, toute personne physique ou morale dont la responsabilité décennale peut être engagée (entrepreneurs, architectes, techniciens, etc.) doit souscrire, avant l’ouverture du chantier, une assurance couvrant cette responsabilité.

Cette obligation vise à garantir, pendant une durée de 10 ans à compter de la réception des travaux, la réparation des dommages de nature décennale, c’est-à-dire :

  • Ceux qui compromettent la solidité de l’ouvrage ;
  • Ou qui rendent l’ouvrage impropre à sa destination (article 1792 du Code civil).

L’attestation d’assurance décennale doit ainsi pouvoir être remise au maître d’ouvrage dès la signature du marché. Ce document constitue une sécurité essentielle pour le donneur d’ordre, particulier ou professionnel.

Le non-respect de cette obligation expose le constructeur à des sanctions civiles et pénales.

 

II. Du principe à la sanction : la jurisprudence récente confirme la rigueur de l’obligation pour le constructeur de souscrire une assurance de responsabilité décennale

 

L’importance de cette obligation d’assurance décennale n’est pas seulement théorique : elle se traduit concrètement dans la pratique des contrats de construction et dans la jurisprudence récente.

En effet, l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 30 avril 2025 (Pourvoi n° 23-21.574) illustre parfaitement les conséquences sur le plan civil qui peuvent découler du manquement à cette obligation.

Dans cette affaire, la Haute juridiction vient rappeler que l’absence de justification d’une assurance décennale n’est pas un simple oubli administratif, mais un manquement grave qui peut justifier la résiliation du marché aux torts exclusifs du constructeur.

Ainsi, la jurisprudence s’inscrit dans la droite ligne de la législation, en sanctionnant sévèrement le défaut d’assurance et en protégeant efficacement le maître d’ouvrage.

  1. Bref résumé des faits

Dans cette affaire, un constructeur avait conclu un marché de travaux portant sur un ouvrage, sans justifier de la souscription d’une assurance de responsabilité décennale couvrant lesdits travaux.

Confronté à cette carence, le maître d’ouvrage a décidé de résilier le marché, invoquant la gravité du manquement contractuel. L’affaire a été portée devant les juridictions, jusqu’à la Cour de cassation.

  1. La décision rendue

Par un arrêt du 30 avril 2025 (n° 23-21.574), la troisième chambre civile de la Cour de cassation a approuvé la décision des juges du fond ayant retenu que le défaut de justification d’une assurance décennale suffisante constituait une faute grave. Cette faute justifiait la résiliation du marché aux torts exclusifs du constructeur, sans indemnité.

La Cour rappelle que l’obligation d’assurance est d’ordre public, et que le seul défaut de couverture au moment de l’exécution des travaux est de nature à mettre en péril les intérêts du maître d’ouvrage, ce qui fonde la résiliation.

  1. Portée de l’arrêt

Cet arrêt consacre la rigueur des juridictions face aux manquements en matière d’assurance obligatoire. Il souligne que le défaut d’assurance décennale ne constitue pas un simple manquement administratif : il peut entraîner la rupture du contrat, voire engager la responsabilité contractuelle du constructeur.

 

III. Défaut d’assurance de responsabilité décennale, comment se prémunir ?

Lorsque vous rencontrez des difficultés avec l’entreprise pour obtenir son attestation d’assurance décennale, vous pouvez le mettre en demeure de saisir le Bureau Central de Tarification (BCT).

Cette autorité administrative indépendante peut obliger une compagnie d’assurance à couvrir l’entreprise des risques relevant de la garantie décennale.

Nous avons déjà consacré un article complet à ce sujet, consultable ici :

👉 La saisine du Bureau central de Tarification (BCT) en cas d’absence de responsabilité civile décennale (RCD) après la déclaration d’ouverture de chantier

https://www.cmc-avocats-bordeaux.fr/la-saisine-du-bureau-central-de-tarification-bct-en-cas-dabsence-de-responsabilite-civile-decennale-rcd-apres-la-declaration-douverture-de-chantier/

 

À suivre : la responsabilité pénale du constructeur en cas de défaut d’assurance décennale

Restez connectés ! Bientôt nous aborderons la question cruciale de la responsabilité pénale encourue par le constructeur en cas de défaut d’assurance décennale, une problématique aux conséquences potentiellement lourdes pour les professionnels du secteur.

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