La feuille de route du dirigeant en difficulté : Réussir sa période d’observation

Cabinet CMC AvocatActualités droit des affaires

Vous êtes dirigeant et votre entreprise rencontre actuellement des difficultés ; qu’elles soient économiques ou juridiques.

Votre situation n’étant pas irrémédiablement compromise, vous avez sollicité l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou d’une procédure de redressement à laquelle le Tribunal a fait droit ?

Une période d’observation qui ne peut excéder 18 mois commence à courir à compter de la date du jugement d’ouverture.

Pendant la période d’observation, l’entreprise fonctionne sous la surveillance du tribunal qui désigne un mandataire judiciaire et un juge-commissaire et selon les cas, un administrateur judiciaire.

L’activité de votre entreprise se poursuit sans qu’aucun de vos créancier antérieur ne puisse exercer individuellement de recours à l’encontre de votre entreprise.

Néanmoins, vous devez vous acquitter de toutes vos charges courantes postérieures au jugement d’ouverture.

Bien que vous soyez sous la protection du Tribunal, il est indispensable de ne pas perdre de temps afin de maximiser vos chances de rebondir.

En effet, la période d’observation a un double objectif :

  • Faire un point précis de la situation économique, financière et sociale de votre entreprise ;

 

  • Élaborer un plan de sauvegarde (appelé aussi « plan de continuation») ou de redressement, qui proposera des modalités concrètes pour désintéresser l’ensemble de vos créanciers sur une durée pouvant aller jusqu’à dix ans (quinze ans pour les exploitants agricoles).

Ce guide vous donne les éléments essentiels pour construire votre plan, comprendre les étapes clés et les erreurs à éviter pendant la période d’observation.

 

 

  • Quelques rappels concernant les objectifs de la procédure de sauvegarde et de redressement judiciaire

 

Le plan de sauvegarde et le plan de redressement sont régis par les articles L.626-1 et suivants du Code de commerce, complétés par les articles R.626-1 et suivants.

La sauvegarde (art. L.620-1 du Code de commerce) suppose que l’entreprise rencontre des difficultés qu’elle n’est pas en mesure de surmonter sans être en cessation des paiements, tandis que le redressement judiciaire (art. L.631-1 du Code de commerce) suppose un état de cessation des paiements avéré ; autrement dit que l’entreprise n’est pas en mesure de faire face à son passif exigible (factures, échéances…) avec son actif disponible (trésorerie…).

Le plan de redressement suit, par renvoi, les dispositions applicables au plan de sauvegarde (art. L.631-19 du Code de commerce).

 

Dans les deux cas, l’objectif de ces deux procédures reste le même :

  • Maintenir l’activité,
  • Préserver l’emploi et,
  • Apurer le passif.

 

Il est vivement conseillé de collaborer activement avec l’administrateur qui doit dresser un bilan économique, social et le cas échéant environnemental avec le concours du mandataire judiciaire et le juge commissaire.

 

Une attitude transparente renforce la crédibilité du dirigeant.

 

  • Etablir un plan de continuation ou de redressement : quelques conseils méthodologiques et description des étapes clés

 

Le plan de sauvegarde ou de redressement repose sur une analyse sincère de la situation et des perspectives économiques.

Selon l’article L.626-2 du Code de commerce, le tribunal évalue les perspectives de redressement en fonction de l’activité, de l’état du marché et des moyens de financement disponibles, en tenant compte du bilan environnemental issu de l’ordonnance du 15 septembre 2021.

Le contenu du projet de plan est fixé par l’article L.626-10 du Code de commerce. Il doit indiquer :

  • Les personnes tenues de l’exécuter,
  • Leurs engagements relatifs à l’activité, au financement et au règlement du passif,
  • Le niveau et les perspectives d’emploi.

 

Le plan, pour être considéré comme viable. Il doit impérativement permettre le recouvrement de l’intégralité du passif de l’entreprise sur une période ne pouvant excéder 10 ans.

Le plan peut prévoit le paiement d’échéances annuelles (ou « pactes ») progressives ou linéaires.

Le passif pris en compte doit être celui établi par le mandataire judiciaire qui a été destinataire des déclarations de créances régularisées par vos créanciers dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture de la procédure (hors procédure de relevé de forclusion éventuelle).

Le projet de plan doit également recenser et annexer les éventuelles offres d’acquisition partielles (art. L.626-2, al.4 du Code de commerce).

Des investisseurs peuvent être intéressés à l’idée de consentir à un apport en trésorerie pendant cette période d’observation qui ouvre le droit à un super privilège légal prévu par l’article L.622-17, III, 2° du Code de commerce.

Une fois le projet de plan établi, les créanciers sont consultés. Ils sont ainsi invités à se prononcer en faveur ou en défaveur du plan proposé (articles R.626-7 et R.626-8 du Code de commerce).

La consultation peut être individuelle ou collective.

Lorsque des classes de parties affectées sont constituées (art. L.626-30-2 du Code de commerce), elles regroupent les créanciers selon une communauté d’intérêts économiques et remplacent toute consultation individuelle. Ces classes sont obligatoires pour les entreprises de plus de 250 salariés et 20 M€ de chiffre d’affaires, ou 40 M€ de total de bilan. Elles doivent également respecter les accords de subordination et intégrer les détenteurs de capital.

💡 Conseil pratique : pour les PME proches de ces seuils, la constitution volontaire de classes peut faciliter les négociations collectives.

 

  • Validation et effets du plan de continuation ou de sauvegarde

 

Le plan est soumis à l’appréciation du tribunal après avis du ministère public (art. L.626-9 du Code de commerce).

Le jugement qui arrête le plan doit contenir la désignation des personnes tenues de l’exécuter, les modalités de règlement du passif, les apports en trésorerie, le niveau et les perspectives d’emploi, et fixer la durée du plan (art. L.626-12 et L.626-25 du Code de commerce).

Dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire, le plan précise les licenciements économiques prévus et l’ordre des licenciements relevant de la compétence prud’homale.

Le plan doit prévoir le règlement de toutes les créances déclarées, y compris celles contestées, sans préjuger de leur admission définitive (Cass. com., 20 mars 2019, n°17-27.527).

Sa durée maximale est de dix ans, portée à quinze ans pour les exploitants agricoles personnes physiques (Cass. com., 29 nov. 2017, n°16-21.032).

💡 Conseil pratique : soyez exhaustif dans l’état du passif, même pour les créances litigieuses. Leur omission pourrait compromettre la viabilité du plan.

 

  • Le cas particulier de la sauvegarde accélérée

 

La sauvegarde accélérée (art. L.628-1 et L.628-8 C. com.) est réservée aux entreprises déjà engagées dans une conciliation ayant élaboré un projet de plan soutenu par une majorité de créanciers.

Elle permet une adoption rapide du plan déjà proposé dans le cadre de la procédure de conciliation et ce, dans un délai n’excédant pas quatre mois.

La cessation des paiements n’est pas un obstacle si elle remonte à moins de 45 jours avant la conciliation.

Cette procédure, inspirée du modèle anglo-saxon du « prepack », suppose que le projet de plan soit abouti avant l’ouverture de la procédure de sauvegarde accélérée.

 

💡 Conseil pratique : préparez votre plan pendant la conciliation et obtenez l’accord majoritaire des créanciers — vous gagnerez un temps précieux lors de la phase judiciaire.

 

  • Ecueils fréquents à éviter :

 

Afin d’établir un plan viable et pérenne, il y a lieu d’éviter de commettre certaines erreurs malheureusement trop fréquentes :

  • Sous-estimer la trésorerie nécessaire pendant la période d’observation ;
  • Présenter un plan trop optimiste, sans projections chiffrées solides ;
  • Négliger la communication avec l’administrateur ou le mandataire judiciaire et même votre expert-comptable ;
  • Penser que le plan efface les dettes : il en organise seulement le règlement ;
  • Oublier la dimension humaine et sociale de la procédure de sauvegarde ou de redressement : informez vos salariés de la situation rencontrée par l’entreprise ;

 

💡 Conseil pratique : un plan réussi est à la fois juridique, économique et humain — il doit permettre le rebond de l’entreprise, la relance de l’activité ; pas seulement sa survie.