Décryptage de la loi EVIN
La publicité en faveur des boissons alcoolisées telles que les vins est très strictement réglementée en France et le non-respect de cette réglementation puni sur un plan pénal.
Voici donc un décryptage de cette réglementation qui vous permettra de vérifier que vos publicités et communications sont conformes.
Le cadre légal
Lorsque l’on parle de la loi EVIN, on parle de la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme – et ses modifications par des lois de 20031, 20052 et 20163.
Cette loi a pour objectif de lutter contre l’alcoolisme, dans un souci de santé publique.
La loi EVIN a été intégrée au sein du Code de Santé Publique, notamment aux articles L.3323-2 à L.3323-6 et L.3351-7.
Ce dispositif légal est complété par la « recommandation alcool » de l’ARPP – Agence de régulation pour la publicité – qui si elle n’a pas valeur de loi, est très précieuse en termes d’application concrète et de bonne pratique.
Le principe général à retenir de la loi EVIN est le suivant : tout est interdit sauf ce qui est limitativement autorisé, qu’il s’agisse des supports ou du contenu de la publicité.
Afin de pouvoir déterminer si votre projet de publicité ou de communication est conforme, voici les quatre questions à vous poser.
QUESTION 1
Mon projet constitue-t-il une « publicité » au sein de la loi EVIN ?
La loi Evin ne prévoit aucune définition de la « publicité » ou de la « propagande ». Ce sont donc les tribunaux qui l’ont fait.
Ainsi, une publicité consiste en « Tout acte en faveur d’un organisme, d’un service, d’une activité, d’un produit ou d’un article ayant pour effet, quelle qu’en soit la finalité, de rappeler une boisson alcoolique ».
La définition retenue est donc extrêmement large et couvre de multiples communications : affiches publicitaires, site Internet, packaging, article de presse, objets publicitaires, livres… tant que celles-ci évoquent une boisson alcoolisée.
Toutefois, n’est pas considérés comme une publicité ou une propagande, les contenus, images, représentations, descriptions, commentaires ou références relatifs à :
- une région de production,
- une toponymie,
- une référence ou à une indication géographique,
- à un terroir,
- à un itinéraire,
- à une zone de production,
- au savoir-faire,
- à l’histoire ou au patrimoine culturel, gastronomique ou paysager
Liés à une boisson alcoolique disposant d’une identification de la qualité ou de l’origine, ou à du vin, produit de la vigne, les cidres et poirés, les boissons spiritueuses et les bières issues des traditions locales4.
Dès lors, si votre projet de communication est strictement limité aux indications visées ci-avant, alors il ne constitue pas une publicité et n’est donc pas soumis aux dispositions de la loi EVIN.
Focus « publicité indirecte »
La loi EVIN s’applique à toute publicité directe ou indirecte en faveur d’une boisson alcoolisée.
Selon les juges, « est considérée comme publicité indirecte en faveur d’une boisson alcoolique et comme telle, soumise aux restrictions prévues à l’article L. 3323-2 du même code, la publicité en faveur d’un produit autre qu’une boisson alcoolique qui par l’utilisation d’une marque, rappelle une telle boisson ».
Soyez donc prudent si vous avez des activités annexes sans relation avec votre vin à ne pas utiliser la même dénomination/marque. Mais soyez également vigilent dans le choix de votre marque (cf. fiche sur le choix de sa marque).
QUESTION 2
Mon projet publicitaire sera-t-il communiqué sur un support autorisé ?
La loi EVIN liste exhaustivement les supports autorisés (ce qui signifie que tout support non listé ci-après est interdit).
- La presse écrite
- La radio
- Affichage et enseignes sur la voie et l’espace publics
- Affichettes et objets à l’intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé
- Envoi de messages, de circulaires commerciales, de catalogues et de brochures
- Inscription sur les véhicules utilisés pour les opérations normales de livraison des boissons
- Publicités en faveurs des fêtes et des foires traditionnelles consacrées à des boissons alcooliques locales
- Publicités en faveur des musées, d’universités de confréries ou de stages d’initiation œnologique et de dégustations
- Objets (gratuit ou payant) strictement réservés à la consommation de la boisson contenant de l’alcool
- Publicité sur internet
La presse écrite ne doit pas être celle destinée à la jeunesse.
La publicité par voie de radio peut être diffusée uniquement dans les tranches horaires suivantes : le mercredi entre 0h et 7h, les autres jours entre 0h et 17h.
La publicité sur internet ne doit pas être réalisée sur des sites destinés à la jeunesse, même en partie, ni des sites dédiés au sport. S’agissant en particulier des réseaux sociaux, il convient d’être vigilent afin de ne pas viser un public de mineurs. Les formats ne doivent pas être intrusifs ou interstitiels (type pop-up).
Compte tenu de la liste ci-avant, notez que les supports suivants sont donc interdits en France :
- TV
- Film
- Publicité au cinéma
Focus parrainage et mécénat :
Toute opération de parrainage est interdite en France. Néanmoins, le mécénat est autorisé.
Est considérée comme parrainage toute opération dont « le but pour le parrain est uniquement d’associer sa marque ou son nom à un événement pour bénéficier de son image positive. »
Le mécénat est le « soutien matériel apporté, sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une œuvre ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un intérêt général ».
Ainsi, le ou les initiateurs d’une opération de mécénat peuvent faire connaître leur participation :
- Par des mentions écrites dans les documents diffusés à l’occasion de cette opération,
- Par une plaque commémorative sur le lieu s’il s’agit d’opérations d’enrichissement ou de restauration du patrimoine naturel ou culturel.
QUESTION 3
De quoi mon projet publicitaire peut-il parler ? (les contenus autorisés)
La loi EVIN liste également les thèmes qui sont autorisés pour les messages publicitaires en faveur d’une boisson alcoolisée.
Votre projet publicitaire ne peut donc parler, faire référence ou évoquer que et uniquement un ou plusieurs des thèmes listés ci-après :
- L’origine de votre vin,
- La dénomination de votre vin,
- Son terroir de production,
- Son degré volumique d’alcool,
- Ses modalités de vente,
- Sa composition,
- Son ou ses modes de consommation,
- Ses distinctions obtenues,
- Sa composition,
- Son ou ses modes de consommation,
- Ses distinctions obtenues,
- Son mode d’élaboration,
- Son conditionnement,
- Sa couleur,
- Son appellation d’origine ou son indication géographique.
L’utilisation de représentations humaines est également possible dès lors qu’elle est en lien avec l’élaboration, la présentation ou la distribution de votre vin et qu’elle ne met pas en avant des éléments qui incitent à la consommation.
Selon la « recommandation alcool » de l’ARPP, « la représentation de personnages doit traduire une fonction professionnelle effective, passée ou présente, exercée dans l’élaboration, la distribution ou la présentation du produit au consommateur (sommelier, maître de chai, chef de cuisine, etc.). » Nous vous recommandons donc de représenter des personnes effectivement salariées et non des acteurs/mannequins.
Peuvent également être représentés des cuisiniers, des sommeliers, des œnologues ou des mixologues pour donner leurs recettes. Toutefois, il convient d’éviter les personnes connues hors métier de bouche.
Tous ces thèmes peuvent être traités par le texte, le son ou l’image.
Il convient de retenir que les thèmes suivants sont interdits en France :
- La représentation des consommateurs
- La représentation de moments de convivialité
- La représentation de moments festifs
- Tout éléments de séduction
- Tout éléments d’attractivité (au produit même, à sa consommation, au milieu social des consommateurs présumés)
- L’incitation à la consommation excessive
A titre d’exemple, nous citerons la publicité ci-dessous.
La publicité de gauche est celle diffusée en France.
Celle de droite ne pourra pas être diffusée en France en raison de l’aspect séduction qu’elle comporte et de la représentation de personne qui n’ont pas de fonction professionnelle en rapport avec le vin.
En résumé, tous les éléments de votre projet publicitaire doivent présenter un lien avec votre vin, fondé, précis, objectif et incontestable.
Les tribunaux reconnaissent que les publicités peuvent communiquer sur le vin. Ils sanctionnent en revanche les publicités qui communiquent sur « l’action de boire ». Il convient donc d’éviter tous les visuels et tous les slogans pouvant être jugés comme évocateurs ou excessifs.
QUESTION 4
Mon projet publicitaire comporte-t-il un message sanitaire ?
La loi EVIN impose un message de prévention sur les supports (à l’exception des supports de vente), indiquant que « l’abus d’alcool est dangereux pour la santé ».
L’ARPP recommande d’ajouter la mention « à consommer avec modération ». Il est donc préférable de se conformer à cette recommandation bien qu’il soit est admis, à titre exceptionnel, que la formule puisse être réduite au message légal « l’abus d’alcool est dangereux pour la santé » pour des raisons liées à la dimension du support.
Risques et sanctions
En cas de non-respect des restrictions de la loi EVIN, des sanctions suivantes peuvent être prononcées à votre encontre :
- jusqu’à 75 000 € d’amende ou 50% des frais engagés pour l’opération publicitaire
- la suppression, enlèvement et confiscation de la publicité est également possible.
- en cas de récidive, l’interdiction de la vente de la boisson pendant 5 ans.
A ce jour, c’est l’ANPAA – l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie – qui agit majoritairement à l’encontre des sociétés diffusant des publicités non conformes à la loi EVIN (essentiellement des grandes groupes).
Toutefois, pour éviter les procédures trop longues, l’ANPAA fait de plus en plus appel au jury de déontologie publicitaire de l’ARPP en déposant des plaintes.
Ce jury se prononce publiquement sur les plaintes émises à l’encontre de publicités ou de campagnes susceptibles de contrevenir à la loi EVIN, étant précisé que tout le monde peut porter plainte gratuitement et en ligne. Les délégations locales de l’ANPAA peuvent ainsi très bien porter plainte contre un producteur local.
Les avis rendus par le jury ne constituent pas des décisions avec force contraignante et n’entraîne donc aucune sanction. Toutefois, ils peuvent constituer le premier pas vers une procédure judiciaire initiée par l’ANPAA si l’avis est défavorable et que la publicité concernée se poursuit.
Recommandation et bonne pratique
Pensez à faire valider vos projets publicitaires avant leur lancement par des avocats intervenant en la matière, comme les équipes de CMC Avocats, et sollicitez des garanties auprès des agences de communication qui réalisent vos supports. Les contrats de commande de vos supports publicitaire doivent également être rédigés et négociés avec un avocat intervenant habituellement dans ces matières, telles que les équipes de CMC Avocats.
1 Loi n° 2003-709 du 1er août 2003
2 Loi n° 2005-157 du 23 février 2005
3 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016
4 Article L.3323-3-1 du Code de la Santé publique