Cass. Com. 26 juin 2024 n°23-11.499
Par un arrêt rendu le 26 juin 2024, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a considéré qu’un franchiseur ne commet pas de dol s’il ne met pas en garde son franchisé contre l’optimisme excessif des comptes prévisionnels établies par ce dernier dès lors que les informations fournies par le franchiseur sont sérieuses et que le franchisé dispose de l’expérience nécessaire pour élaborer ses comptes prévisionnels en connaissance de cause.
En l’espèce, après avoir rejoint un réseau de franchise de location automobile, un franchisé observe que les résultats qu’il avait établis dans les comptes prévisionnels, n’ont non seulement pas été atteints lors des deux premières années d’exercice, mais étaient également bien inférieurs aux prévisions.
Or, les comptes prévisionnels avaient été établis par le franchisé sur la base des informations communiquées par le franchiseur dans le Document d’Information Précontractuel (DIP).
Ainsi, considérant que le franchiseur était tenu de s’assurer que les comptes d’exploitation prévisionnels étaient sérieux et réalistes, le franchisé a sollicité l’annulation du contrat de franchise sur le fondement du dol.
La cour d’appel de Versailles a rejeté les demandes formulées par le franchisé sur ce fondement, estimant que les données transmises par le franchiseur dans le DIP présentaient un caractère sérieux. De plus, la cour d’appel a retenu que le franchisé possédait les compétences et les informations nécessaires pour élaborer les prévisionnels de manière éclairée, s’agissant en l’occurrence d’un entrepreneur expérimenté dans le secteur de l’automobile.
Dès lors, l’absence de réaction du franchiseur lors de la transmission du budget prévisionnel par son franchisé ne constituait pas un dol permettant d’obtenir la nullité du contrat.
Dans son arrêt du 26 juin dernier, la Cour de cassation a validé la position des juges du fond estimant qu’il n’a pas été prouvé que les informations fournies par le franchiseur étaient trompeuses. Bien que le franchiseur avait fourni un business plan et un « tableau patrimoine », celui-ci n’avait transmis qu’une matrice de budget prévisionnel, destinée à aider le futur franchisé à établir un prévisionnel.
Le prévisionnel avait donc été élaboré par le franchisé sous sa propre responsabilité, ce qui était d’ailleurs rappelé dans le DIP qui indiquait que le franchiseur fournirait son assistance pour l’élaboration du prévisionnel, mais qu’il revenait bien au franchisé de le concevoir.
La Cour de cassation rappelle également que l’écart entre les prévisions établies et les résultats réels ne permettait pas de conclure que les informations du franchiseur étaient irréalistes. Ce dernier avait d’ailleurs justifié que les chiffres d’affaires annoncés dans son DIP avaient été atteints par plusieurs franchisés.
Ainsi, la Cour de cassation confirme ici que le franchiseur n’a pas commis de dol, les données qui ont été communiquées au franchisé étant sérieuses et que ce dernier disposait des compétences et des informations nécessaires pour établir en connaissance de cause les comptes d’exploitation prévisionnels.
Cet arrêt est l’occasion de rappeler que les articles L.330-3 et R.330-1 du Code de commerce relatifs au DIP n’imposent pas au franchiseur de transmettre de comptes prévisionnels au franchisé. Il appartient à ce dernier d’en faire établir.
Cependant, si le franchiseur décide de fournir de tels comptes prévisionnels à son franchisé, la jurisprudence impose que ceux-ci soient sincères et sérieux (Cass. Com. 1er déc. 2021 n°18-26.572). Cette obligation est étendue aux informations transmises par le franchiseur au franchisé pour l’établissement par ce dernier de comptes prévisionnels (Cass. Com. 10 fév. 2021 n°18-25.474). Ce caractère sincères et sérieux est soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond.
Ainsi, si les informations transmises dans le cadre du DIP s’avèrent trompeuses ou irréalistes, le franchisé peut se prévaloir de la nullité du contrat pour dol sur le fondement de l’article 1130 du Code civil.
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