Gérant de SCI : Ne vous croyez pas tout permis ! La mise à disposition gratuite de l’immeuble de la société au bénéfice d’un associé, si elle n’est pas prévue par les statuts, ne peut être décidée par le gérant seul sans l’autorisation de l’assemblée générale des associés.

Cabinet CMC AvocatActualités droit des affaires

Cass. 3e civ., 2 mai 2024, n°22-24503

Un dirigeant, en vertu de son mandat, est habilité à agir au nom et pour le compte de la société. Pour préserver les différents intérêts en jeu (associés, société, tiers…), le législateur a pris le soin d’encadrer les pouvoirs des dirigeants sociaux. La réglementation varie d’une catégorie de société à l’autre. Les sociétés des capitaux sont ainsi normalement engagées par les actes de leurs dirigeants qui n’entreraient pas dans l’objet social.

Pour la SCI, ce sont les articles 1848 et 1849 du Code civil qui encadrent respectivement les pouvoirs du gérant dans ses rapports avec les associés et dans ses rapports avec les tiers.

Aux termes de l’article 1848 du code civil, dans les rapports entre associés, le gérant peut accomplir tous les actes de gestion que demande l’intérêt de la société. Dans ses rapports avec les tiers, aux termes de l’article 1849 du Code civil, le gérant engage la société par les actes entrant dans l’objet social.

La troisième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 2 mai 2024 a rappelé une fois de plus, sur la base de ces deux articles, que le gérant d’une SCI ne peut pas accomplir seul un acte qui n’entre pas dans l’objet social. Pour accomplir un tel acte, l’autorisation de l’assemblée générale des associés est nécessaire.

Au cas d’espèce, deux époux étaient associés d’une SCI dont l’associé minoritaire était le gérant. Le 15 septembre 2013, après la séparation du couple, la SCI, représentée par son gérant a consenti à celui-ci un prêt à usage, portant sur les premier et deuxième étages de l’immeuble détenu par la SCI.

Lors d’une assemblée générale extraordinaire, convoquée par un mandataire désigné judiciairement, le gérant a été révoqué de ses fonctions. Puis, le gérant révoqué a assigné la SCI en remboursement de son compte courant d’associé et celle-ci a reconventionnellement demandé notamment l’annulation de la convention de prêt à usage conclue en 2013.

La Cour d’appel a fait droit à la demande reconventionnelle et a prononcé la nullité du contrat de prêt à usage.

La troisième chambre civile de la Cour de cassation s’aligne sur la décision des juges du fond en estimant que « lorsque les statuts d’une SCI n’indiquent pas dans l’objet social la faculté de mettre un immeuble dont elle est propriétaire à la disposition gratuite des associés, cette mise à disposition ne peut être décidée par le gérant seul et doit être autorisée par l’assemblée générale des associés, statuant dans les conditions prévues pour la modification des statuts ».

La Cour de cassation fidèle à sa jurisprudence, rappelle que l’acte accompli par le gérant d’une SCI n’est valable que s’il est expressément prévu dans l’objet social ou à défaut, autorisé par l’assemblée générale des associés.

 

  • La nullité de l’acte accompli par le gérant de la SCI

L’objet social désigne l’ensemble des activités qu’une société peut exercer. Au-delà de fixer le cadre d’intervention de la SCI (Principe de spécialité), l’objet social, constitue une limite à l’exercice des pouvoirs des gérants, qui sont tenus de le respecter.

Ainsi, la rédaction de l’objet social doit tenir compte notamment de l’importance des pouvoirs que l’on veut attribuer au gérant. Plus l’objet social est restreint, plus les pouvoirs du gérant sont limités et inversement.

En l’espèce, le contrat de prêt à usage conclu par le gérant au compte de la SCI n’était pas prévu dans l’objet social. C’est pourquoi la 3ème chambre civile décide que le gérant seul ne peut pas accomplir un tel acte.

La 3ème chambre civile avait déjà décidé que le gérant d’une SCI dont l’objet statutaire ne vise pas expressément la vente ou l’aliénation des biens de la société, excède cet objet en cédant de tels biens (Cass. 3e civ., 5 nov. 2020, n° 19-20.214)

Si l’acte que veut accomplir le gérant n’entre pas dans l’objet social, il existe une autre option qui est l’autorisation par l’assemblée générale des associés.

 

  • La nécessité d’une autorisation de l’assemblée générale des associés 

L’autorisation de l’acte par l’assemblée des associés permet de surmonter l’impossibilité pour le gérant d’accomplir des actes qui n’entrent pas dans l’objet social.

Si le gérant veut passer un acte qui excède son pouvoir (objet social), il doit s’en remettre à l’assemblée des associés qui se prononce selon les conditions prévues pour la modification des statuts.

Dans un arrêt de 2007, la même 3ème chambre civile avait validé une convention d’occupation gratuite de l’immeuble d’une SCI au motif que l’occupation avait été autorisée à l’unanimité des associés (Cass. 3e civ., 25 avr. 2007, no 06-11833).

L’autorisation à donner au gérant pour accomplir des actes de nature à engager la société par l’assemblée générale des associés, permet de limiter le risque des associés d’une SCI, que celui-ci puisse accomplir seul des actes qui excèdent l’objet social. Pour rappel, à l’égard des tiers, les associés d’une SCI sont conjointement et indéfiniment tenus des dettes sociales (art 1857 du code civil).

 

Les statuts d’une société constituent le contrat de société qui lie les associés et organisent par la même occasion la répartition des pouvoirs. Ils doivent prendre en compte les spécificités de chaque société et être rédigés avec vigilance. Pour le cas spécifique de l’objet social de la SCI, il est également important de définir de façon claire et précise les activités que peuvent exercer la SCI et par là même son gérant, afin de minimiser les éventuelles interprétations de la clause par les juges.

 

En effet, il n’est pas rare de constater que dans le cadre de la gestion de son patrimoine, on privilégie la gestion de son bien immobilier par intermédiaire d’une SCI. Mais attention, cet outil juridique intéressant sur un plan de transmission du patrimoine ou de l’optimisation fiscale, ne permet pas tout et soumet notamment son gérant à un certain nombre de règles juridiques de fonctionnement. Il est donc primordial que la rédaction des statuts d’une SCI soit bien préparée pour éviter des remises en cause juridiques et fiscales des montages.

 

Le cabinet CMC avocats se tient à votre disposition pour vous conseiller et accompagner sur toutes questions relatives au Droit des sociétés. Nos experts vous accompagnent également dans la gestion des contentieux notamment, entre associés ou encore entre associés et dirigeants de tout type de société.