L’application des dispositions consuméristes aux professionnels : les sanctions du défaut d’informations relatives au droit de rétractation dans les contrats conclus hors établissement.

Cabinet CMC AvocatActualités juridique

La protection de la partie faible est le cœur battant du droit de la consommation. Les dispositions consuméristes protègent en effet le consommateur de la force de frappe des professionnels qui n’hésitent pas à user de moyens parfois contestables pour aboutir à leurs fins.

Mais la qualité de consommateur n’est pas exclusive aux particuliers. Le législateur a prévu en effet des dispositions particulières qui bénéficient également aux « petits professionnels » qui se retrouvent souvent partie faible dans un rapport contractuel.

C’est dans ce contexte que le législateur a prévu à l’article L. 221-3 du code de la consommation, texte issu de la Loi HAMON n° 2014-344 du 17 mars 2014, la possibilité d’étendre les dispositions applicables entre consommateurs et professionnels, précisément celles relatives à l’obligation d’information précontractuelle ; celles applicables aux contrats conclus hors établissement et au droit de rétractation, aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels.

1. Qu’est-ce qu’un contrat conclu hors établissement ?

L’article L 221-1-2° du Code de la consommation définit le contrat hors établissement comme étant tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur :

  • Dans un lieu qui n’est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d’une sollicitation ou d’une offre faite par le consommateur ;
  • Ou dans le lieu où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle ou au moyen d’une technique de communication à distance, immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu différent de celui où le professionnel exerce en permanence ou de manière habituelle son activité et où les parties étaient, physiquement et simultanément, présentes ;
  • Ou pendant une excursion organisée par le professionnel ayant pour but ou pour effet de promouvoir et de vendre des biens ou des services au consommateur.

Autrement dit, il s’agit d’un contrat conclu en dehors du lieu dans lequel l’auteur de la sollicitation exerce habituellement son activité et en la présence physique des deux parties.

Il est admis par la jurisprudence qu’il s’agit d’un démarchage au domicile ou sur le lieu de travail de la personne sollicitée.

CA Lyon, 3ème ch. A, 24 juin 2021 n° 19/05780 ;
CA Caen, 2ème ch. civ. et com. 11 février 2021 n° 18/02038 ;
CA Lyon, 3ème ch. A, 25 février 2021 n° 19/00933 ;
CA Agen, 1ère ch. civ., 23 juin 2021 n° 19/00805 ;
CA Agen, 1ère ch. civile, 23 juin 202, n° 19-00805 ;
CA Riom, 3ème ch. civ. et com. réunies, 10 avril 2019 n° 17-02522 ;
CA Lyon, 3ème ch. A, 16 janv. 2020 n° 18-01862

2. Qu’elles sont les conditions d’application des dispositions de l’article L 221-3 du Code de la consommation ?

Lorsque le contrat est conclu hors établissement entre deux professionnels, le professionnel, partie faible, bénéficie donc des dispositions consuméristes, notamment celles relatives à l’information précontractuelle et au droit de rétractation s’il remplit les deux conditions cumulatives suivantes :

  • L’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité
  • Le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

Il faut noter que la notion de « champ de l’activité principale du professionnel » est une notion qui a fait couler beaucoup d’encre et dont l’appréciation reste tout de même ambiguë et subjective.

En effet, avant l’entrée en vigueur de la loi HAMON, la Cour de cassation considérait que dès lors qu’un contrat était souscrit pour les besoins d’une activité professionnelle, il était en « rapport direct » avec celle-ci et que le processionnel ne pouvait bénéficier de la protection du droit de la consommation.

Cass. civ. 1ère, 24 janvier 1995, n° 92-18.227

L’état du droit de l’époque ne permettait pas de lutter efficacement contre le démarchage abusif dont les principales cibles sont les très petites entreprises. C’est la raison pour laquelle la Loi HAMON est venue remplacer la notion restrictive de « rapport direct avec l’activité professionnelle » par celle plus extensive de « champ de l’activité-principale ».

Ce changement dans la terminologie a permis une certaine souplesse. D’ailleurs, la Cour de cassation a jugé que la notion de champ « l’activité principale » relevait de l’interprétation souveraine des juges du fond.

Cass. Civ. 1ère, 12 septembre 2018, n° 17-17.319 ;
Cass. civ. 1ère, 27 novembre 2019, n° 18-22.525 ;

Il faut tout de même apporter une précision. La Haute juridiction a fait la différence entre appréciation souveraine et motivation sans base légale. Elle rappelle que le juge du fond ne peut écarter l’application du code de la consommation en invoquant des motifs impropres à établir que l’objet du contrat entre dans le champ de l’activité principale.

Cass. civ. 1ère, 31 août 2022, n° 21-11.455 ;

Il ressort de cette précision que le juge du fond ne peut écarter l’application du code de la consommation à un professionnel aux motifs que :

  • Le contrat est « indispensable » ou « utile » à son activité,
  • Il dispose des compétences pour apprécier l’opportunité de signer le contrat.

Plus récemment, la Cour de cassation a réitéré cette jurisprudence désormais constante.

Cass. civ. 1ère, 13 avril 2023, n° 21-23.312
Cass. civ. 1ère, 17 mai 2023, n° 21-24.086

Systématiquement, la Cour de cassation censure les décisions dans lesquelles le juge du fond se livre à une interprétation de la loi qui en empêche I « application.

Ainsi, la notion de champ de l’activité principale est c’est le cœur du métier du professionnel démarché par exemple la farine pour le boulanger ou le ciment pour le maçon.

Il a été ainsi jugé par exemple que :

  • Le matériel informatique et la téléphonie n’entrent pas dans le champ de l’activité principale d’un gynécologue

(CA Douai, ch. 1 sect. 1, 28 avril 2022, n° 20-02952) ;

  • Le contrat de la location financière d’un site internet n’entre pas dans le champ d’activité principale d’une personne exerçant une activité de santé humaine

(CA Douai, ch. 2 sect. 1, 28 avr. 2022, n° 20-02952) ;

  • Pour une société exerçant une activité de restauration et ayant conclu un contrat ayant pour objet la location d’une caisse enregistreuse que « cette société ne dispose d’aucune compétence particulière en matière de système informatique de prise de commande et de caisse, de sorte que l’objet du contrat conclu avec la société Grenke Location, qui ne participe pas à proprement parler à l’exercice de l’activité de restauration de la société Docks Café, n’entre donc pas dans le champ de son activité principale » ;

CA Colmar, ch. 1 a, 20 déc. 2023, n° 22/01837

  • L’activité d’un Kinésithérapeute est « très éloignée de la téléphonie et l’utilisation de TPE et que, même si ceux-ci sont utiles ou nécessaires à l’activité professionnelle de Kinésithérapie, ces matériels ne sauraient être considérés comme entrant dans le champ de son activité principale »

(T. com. Montpellier, 17-06-2019, aff. n° 2017014542)

3. Quelles sont les conséquences ?

Lorsque les conditions de l’article L 221-3 du Code de la consommation sont remplies, et que le professionnel (partie forte du contrat) viole l’obligation d’information précontractuelle, notamment le droit de rétractation, conformément à l’article L.221-9 du Code de la consommation, le consommateur (ou professionnel — partie faible du contrat —) bénéficie de deux options :

  • Soit bénéficier du droit de rétractation de 14 jours conformément à l’article L 221-18 du Code de la consommation, prolongé de 12 mois conformément aux dispositions de l’article L221-20 du Code de la consommation (donc 1 an et 14 jours à compter de la conclusion du contrat pour les prestations de service ou à la date de réception du bien pour les contrats de vente de biens)
  • Soit demander la nullité du contrat conformément aux dispositions de l’article L242-1 du Code de la consommation qui dispose que : « Les dispositions des articles L. 221-9 et L. 221-10 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement ».