Les conséquences procédurales du dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire

Cabinet CMC AvocatActualités droit des affaires

L’article L.641-9 du Code de commerce pose un principe fondamental en matière de liquidation judiciaire, celui du dessaisissement du débiteur quant à l’administration et la disposition des biens composant le patrimoine soumis à la procédure. Ce dessaisissement vaut ainsi jusqu’à la clôture de la procédure et laisse au seul liquidateur judiciaire désigné par le Tribunal la faculté d’exercer tous les droits et actions appartenant au débiteur.

 

Dans ce contexte, il appartient au liquidateur d’intervenir, le cas échéant, dans toute procédure judiciaire, en demande ou en défense, pour le compte de la société en liquidation.

 

Dans une affaire portant, au fond, sur la résiliation d’un bail commercial et soumise à la Cour d’Appel d’Orléans par le bailleur, le preneur faisait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire. Saisie de ce litige, la juridiction d’appel a prononcé la nullité de certains actes de procédures et notamment d’actes de communication de pièces ou de dires à expert réalisés par le conseil de la société en liquidation ; le rapport d’expertise comme le jugement déféré ont également été annulés par la Cour au motif que la société en liquidation était représentée par son représentant légal alors dépourvu du droit d’agir au nom de la société. Selon la Cour, cela emportait un « défaut de pouvoir de la personne figurant au procès comme représentant d’une personne morale au sens de l’article 177 du Code de procédure civile ».

 

Le mandataire liquidateur a formé un pourvoi contre cet arrêt, estimant que les actes accomplis par le débiteur dessaisi ne pouvaient être frappés de nullité mais seraient seulement inopposables à la procédure collective, ce dont seul le liquidateur aurait la faculté de se prévaloir.

 

Au visa des articles L.641-9 du Code de commerce, 122 et 125 du Code de procédure civile, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’Appel d’Orléans et précisé la nature du vice procédural affectant les actes réalisés par le débiteur dessaisi en liquidation judiciaire (Cass. 2e civ., 3 juillet 2025, n°22-22.172).

 

Ainsi, la Cour affirme que le dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire ne constitue pas une incapacité mais un défaut de qualité, lequel est constitutif d’une fin de non-recevoir entraînant une irrecevabilité. La Cour d’appel ne pouvait donc prononcer des nullités et aurait dû soulever d’office la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir.

 

Dans un arrêt antérieur, la Cour de cassation a d’ores-et-déjà précisé que le débiteur en liquidation judiciaire est irrecevable à interjeter appel d’un jugement et que cette irrecevabilité, d’ordre public, devait être relevée d’office par le juge (Cass. Com., 18 janvier 2023, n°21-17.581). Cette situation peut toutefois être régularisée par l’intervention du liquidateur dans le délai d’appel, conformément aux dispositions de l’article 126 du Code de procédure civile.

 

Les débiteurs soumis à la procédure de liquidation judiciaire doivent donc rester alertes quant à leurs droits, a fortiori dans le cadre d’une procédure en cours, tandis que les liquidateurs doivent veiller à la régularité des procédures engagées au jour de leur désignation.