NULLITES EN DROIT DES SOCIETES : PLACE A LA PROPORTIONNALITE !

Cabinet CMC AvocatActualités droit des affaires

Avec l’ordonnance n° 2025-229 du 12 mars 2025, le droit des sociétés franchit une étape majeure vers plus de cohérence et de sécurité juridique.

Ce texte, applicable à compter du 1er octobre 2025, repense en profondeur la sanction des irrégularités affectant les actes et décisions sociales. L’objectif de cette réforme du régime des nullités en droit des sociétés est de mettre fin aux nullités automatiques et donner au juge la possibilité d’adapter la sanction à la gravité réelle du vice constaté. La nouvelle approche est centrée sur la proportionnalité.

 

Du formalisme à la proportionnalité

 

Jusqu’ici, le régime des nullités reposait sur un formalisme hérité du droit civil, souvent appliqué mécaniquement. Une simple irrégularité de convocation ou de quorum pouvait suffire à annuler une décision pourtant conforme à l’intérêt social, avec des conséquences lourdes pour la stabilité de l’entreprise.

L’ordonnance du 12 mars 2025 change radicalement d’approche en ce que la nullité devient l’ultime recours, réservée aux situations où l’irrégularité a réellement porté atteinte aux droits d’un associé ou altéré la substance même de la décision. Le juge devra apprécier la proportionnalité entre la faute commise et la gravité de ses conséquences, au regard de l’intérêt social.

 

Le triple test : un filtre cumulatif

 

Désormais, une décision sociale ne pourra être annulée que si trois conditions sont réunies :

  1. l’irrégularité porte atteinte aux intérêts personnels du demandeur ;
  2. elle a influencé le contenu de la décision adoptée ;
  3. la nullité ne produit pas d’effets manifestement excessifs pour la société.

Ce « triple test » oblige le juge à une analyse concrète et motivée, rompant avec la logique d’automaticité. L’approche devient pragmatique : l’enjeu n’est plus de sanctionner une erreur formelle, mais d’évaluer son impact réel.

 

Une modulation des effets de la nullité

 

Une autre innovation majeure est que la nullité d’une nomination irrégulière ne remettra plus automatiquement en cause les actes pris par l’organe concerné.

Le juge pourra également moduler ou différer les effets de l’annulation afin de préserver la continuité de la société et permettre une régularisation.

Cette souplesse traduit une volonté claire de sécuriser la gouvernance et d’éviter qu’une erreur isolée ne compromette la vie sociale.

 

Prescription et causes de nullité clarifiées

 

Le délai de prescription des actions en nullité est désormais ramené à deux ans, qu’il s’agisse de la constitution, d’une décision postérieure ou d’un apport.

Cette réduction vise à limiter les contentieux dans le temps et à renforcer la stabilité juridique des sociétés.

En outre, la violation des statuts ne constitue plus, en principe, une cause de nullité. Une exception demeure pour les SAS, dont les statuts peuvent prévoir expressément qu’une décision prise en violation de leurs règles internes sera nulle. Ce mécanisme renforce l’autonomie contractuelle des associés tout en encadrant son usage : seule une clause expresse permettra d’y recourir.

 

Une réforme harmonisatrice et pragmatique

 

L’ordonnance aligne les règles applicables aux sociétés civiles et commerciales et réaffirme le rôle du juge comme garant de la proportionnalité.

Elle met fin à un système morcelé et souvent imprévisible, en inscrivant la logique de la sanction dans une approche économique et équilibrée.

En pratique les dirigeants et associés ont tout intérêt à :

  • Procéder à un audit des statuts et pratiques internes ;
  • Former les organes sociaux au nouveau cadre juridique ;
  • Prévoir des mécanismes de régularisation rapides en cas de vice de procédure.

 

Pour les praticiens, cette réforme appelle à :

  • Revoir les statuts, notamment pour les SAS ;
  • Sécuriser les procédures de décision et la documentation interne ;
  • Anticiper les contentieux en intégrant la démonstration de l’influence effective d’une irrégularité dans la stratégie de défense.

 

Notre cabinet CMC AVOCATS à Bordeaux accompagne et conseille les sociétés, leurs dirigeants at associés dans l’analyse de leurs statuts et la mise en conformité de leurs procédures internes avec ce nouveau cadre.