L’article L.442-1 II du Code de commerce permet d’engager la responsabilité d’un partenaire commercial qui aurait rompu une relation commerciale établie sans « préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale ».
Cette disposition a pour objectif de permettre une indemnisation de la partie victime de la rupture qui aurait subi un préjudice financier du fait de la rupture de la relation commerciale.
L’article L.442-1 II du Code de commerce oblige ainsi les partenaires commerciaux qui souhaiteraient rompre une relation commerciale à respecter un délai de préavis suffisant pour permettre à leur cocontractant de réorganiser leur activité.
Cette obligation de respecter un préavis suffisant doit être respectée peu importe que la relation soit fondée sur un contrat écrit ou non.
Se pose dès lors la question du délai de préavis suffisant à respecter avant une rupture d’une relation commerciale établie.
Afin de connaître le délai de préavis à respecter, il convient d’observer divers critères dont on trouve l’origine aussi bien dans le texte même de la loi que dans la jurisprudence.
La prise en compte de la durée de la relation commerciale …
L’article L.442-1 II du Code de commerce vise clairement (et logiquement) la nécessité de prendre en compte la durée de la relation commerciale existante entre les parties pour déterminer la durée du préavis à respecter.
S’il est classiquement considéré qu’il convient de respecter un mois de préavis pour chaque année de relation commerciale, l’ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du Code de commerce est venue poser une limite quant à la durée de préavis à respecter.
Le Code de commerce prévoit dorénavant que « en cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois. »
Ainsi, le Code fixe désormais une durée maximum de préavis de 18 mois qui, si elle est respectée, ne permet pas d’engager la responsabilité de l’auteur de la rupture.
Il sera rappelé que les parties peuvent toujours prévoir contractuellement un préavis supérieur.
Pour tous les préavis qui seraient inférieurs à cette durée de 18 mois, le juge devra s’attacher à observer si la durée du préavis réalisé a tenu compte de la durée de la relation commerciale préexistante, mais également des autres circonstances qui entourent la relation.
… Et des autres circonstances entourant la relation commerciale !
Il existe une jurisprudence fournie en la matière qui démontre que les juges du fond apprécient la durée du préavis en fonction de nombreux critères autres que la simple durée de la relation, et notamment :
- L’état de dépendance économique de la partie victime de la rupture,
- Le volume d’affaires réalisé dans le cadre de la relation commerciale,
- L’exclusivité à laquelle la victime de la rupture était soumise,
- Le secteur d’activité concerné, et l’éventuel marché de niche dans lequel la relation commerciale s’était établie,
- La notoriété du partenaire commercial auteur de la rupture.
L’ensemble de ces critères, et leur appréciation en fonction de chaque cas d’espèce, explique la grande variété de jurisprudences en la matière, et la difficulté à établir une grille universelle de fixation des délais de préavis dans le cadre de relations commerciales établies.
Il est ainsi impératif d’étudier chaque cas d’espèce et les circonstances qui entourent la relation commerciale pour délimiter la durée suffisante du préavis à respecter.
Et le préavis contractuel ?
Les dispositions de l’article L.442-1 II du Code de commerce étant d’ordre public, le simple respect du préavis contractuellement fixé par les parties ne peut exonérer la responsabilité de l’auteur de la rupture pour préavis insuffisant.
Cependant, une jurisprudence récente de la Cour de cassation en la matière rappelle que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi entre les parties et que les dispositions de l’article L.442-1 du Code de commerce [anciennement L.442-6] ne font pas obstacle à l’application du préavis contractuel. (Cass. Com. 28/06/2023, n° 22-17933).
La Cour rappelle en effet que « l’existence d’une stipulation contractuelle de préavis ne dispense pas le juge, s’il en est requis, de vérifier que le délai de préavis contractuel tient compte de la durée de la relation commerciale ayant existé entre les parties et des autres circonstances ».
Dès lors, le respect du préavis contractuel ne permet pas automatiquement d’engager la responsabilité de l’auteur de la rupture si le délai prévu dans le contrat s’avère suffisant au regard de la durée de la relation ainsi que des autres circonstances de la relation.
La Cour poursuit en indiquant qu’il appartient au juge de déterminer si la durée de préavis doit être « égale ou supérieure à celle prévue contractuellement ».
Dans cette décision, la Cour de cassation juge donc que le préavis contractuel correspond en réalité au préavis minimum que devront respecter les parties en cas de rupture, susceptible d’être allongé s’il s’avère insuffisant au regard des circonstances et de la durée de la relation.
Il appartient par conséquent au juge de vérifier que le délai qui avait été contractuellement prévu répond aux exigences du Code de commerce, et de respecter au minimum le délai prévu par le contrat.
Si la portée de cette décision peut être nuancée compte tenu de son absence de publication au bulletin, elle s’avère cohérente avec le principe fondamental en droit français que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi entre les parties.
Pour conclure, il apparaît que la question du délai de préavis suffisant doit faire l’objet d’une étude casuistique, et ne peut se limiter à la simple prise en compte de la durée de la relation commerciale.
Ainsi, il convient de prendre en compte en plus les particularités de la relation commerciale ainsi que le cadre contractuel qui a formé cette relation, à condition qu’il existe.
Par conséquent, les acteurs économiques ont tout intérêt de prévoir dans leurs contrats commerciaux des clauses de préavis de résiliation minimum, qui pourraient être progressifs en fonction du nombre d’années de collaboration, et ce pour se sécuriser face à des éventuelles ruptures brutales.
CMC AVOCATS se tient à votre disposition pour faire le point sur vos contrats commerciaux, et vous accompagne également en cas de litige portant sur la rupture d’une relation commerciale établie.